Agrément et subventionnement de services favorisant l’autoreprésentation des personnes en situation de handicap.
Projet d’arrêté du Gouvernement wallon modifiant, d’une part, l’article 283, alinéa 2, du Code wallon de l’action sociale et de la santé et insérant dans le Code réglementaire wallon de l’Action sociale et de la Santé, Deuxième partie, Livre V, Titre VII, un Chapitre 10 intitulé
« Services favorisant l’autoreprésentation des personnes en situation de handicap »
Le Conseil tient d’abord à saluer l’initiative du projet d’arrêté du Gouvernement wallon, car l’autoreprésentation est une étape essentielle vers une plus grande autonomie et liberté de décision des personnes en situation de handicap. Cependant, après une lecture attentive, plusieurs remarques et questions doivent être soulevées. Avant toute chose, le Conseil tient à souligner plusieurs éléments :
- L’association principalement visée par ce projet d’Arrêté a en effet une longue expérience dans le domaine de l’autoreprésentation ;
- Elle permet, notamment, à des personnes qui vivent en services résidentiels, de participer de manière efficace aux organes représentatifs ;
- Bien d’autres associations ne sont pas financées même si elles ont des actions similaires ;
- L’autodétermination ne concerne pas que le champ du handicap intellectuel, d’autres personnes avec d’autres situations de handicap devraient pouvoir être amenées à prendre la parole, à s’intéresser aux enjeux, à prendre position, … ;
- L’autoreprésentation doit également être mise en place dans les services résidentiels, au profit des résidents.
D’un point de vue plus général, le Conseil souhaite :
- Que les activités visant l’autodétermination soient disponibles sur l’ensemble du territoire de la Région Wallonne ;
- Que d’autres associations soient rapidement reconnues et financées dans ce cadre.
Moyennant ces remarques, le Conseil Consultatif Wallon des Personnes en Situation de Handicap donne un avis positif sur ce projet d’AGW.
Considérations juridiques
Le Conseil aurait préféré que, dans un esprit de transversalité, ce type d’association soit reconnu dans le cadre de l’Éducation permanente via la Communauté française.
Plusieurs autres remarques et questionnements, d’une nature plus technique, doivent être relevés. Par facilité, celles-ci seront développées selon les articles visés.
En premier lieu, le Conseil regrette de ne pas disposer de commentaires détaillés sur les différents articles et leurs implications, qui permettraient une meilleure compréhension.
A l’article 831/197, le Conseil s’étonne que le Conseil de Stratégie et Prospective soit référencé alors que celui-ci n’a jamais été réellement mis en place. Par conséquent, le Conseil craint que cette solution ne retarde la mise en place d’une programmation au détriment de l’autoreprésentation.
Ensuite, le Conseil relève une contradiction entre les articles 831/193 et 831/198. Le premier article définit trois rôles pour les services d’autoreprésentations (ceux de soutien, de conseil et d’expertise), or seul le rôle de soutien est repris dans la mission du deuxième article. L’absence des deux autres rôles n’étant pas repris dans la mission, ils n’entrent pas dans le cadre de l’agrément et donc du subventionnement des services d’autoreprésentation, ce qui risque évidemment de poser un réel problème.
L’article 831/201 décrit les documents nécessaires à l’introduction d’une demande d’agrément. Le Conseil se pose cependant la question de l’utilité de la liste des membres de l’assemblée générale. En effet, celle-ci peut être variable et comprendre un grand nombre de personnes, ce qui complique considérablement la mise en place de cette demande. De plus, le Conseil s’interroge également sur l’utilité de la transmission des règlements d’ordre intérieur de l’assemblée générale et des organes de gestion. Enfin, il n’y a aucune assemblée générale dans une fondation d’utilité publique, et donc aucun membre de cette assemblée générale ne pourrait être déclaré.
Toujours concernant les documents à joindre à la demande d’agrément, le Conseil s’étonne de l’absence d’une copie des statuts dans l’énumération des documents exigés.
De manière plus générale, le Conseil remarque plusieurs lacunes au sujet de la procédure de demande d’agrément. Il n’est pas précisé si des appels à candidatures sont nécessaires, ni auprès de qui introduire la demande. Aucune modalité pratique n’est précisée. Enfin, l’absence de délais dans le texte entre l’introduction de la demande et la décision du Ministre risque de faire trainer indéfiniment les demandes.
Le Conseil a deux remarques concernant l’article 831/202. Tout d’abord, il tient à souligner que la procédure est en contradiction avec la définition, dans laquelle l’agrément est accordé par l’Agence. Il estime ensuite anormal que la décision de la durée de l’agrément dépende de la seule décision du Ministre, et demande qu’il s’agisse d’un agrément à durée indéterminée.
Le Conseil demande également que le projet de service, prévu par l’article 8031/203, soit publié selon la méthode FALC (Facile à lire et à comprendre).
A l’article 831/204, le Conseil souligne la différence entre le délai prévu à l’article 831/204 (30 juin) et le délai prévu à l’art 46 du CWASS décrétal (1er mars). La dérogation doit être prévue par décret, et non pas par arrêté du Gouvernement wallon.
Au sein de l’article 831/205, le Conseil remarque que le délai d’auto-évaluation correspond à la validité du projet de service. Cela signifie donc qu’aucune auto-évaluation n’est requise au cours de la mise en œuvre de ce projet de service, alors pourtant qu’elle est nécessaire pour réévaluer régulièrement les décisions et besoins. Le Conseil est persuadé que la méthodologie d’auto-évaluation devrait figurer dans le projet de service et pas uniquement dans l’auto-évaluation elle-même.
A l’article 831/206, deuxième paragraphe, le Conseil s’interroge sur l’expérience requise par le directeur du service d’autoreprésentation. En effet, l’expérience requise est restreinte au sein d’un service d’éducation permanente reconnu par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Qu’en est-il de l’expérience accumulée au sein d’autres entités fédérées ou même à l’étranger ?
Dans le même article, le Conseil constate qu’il est exigé un extrait de casier judiciaire de modèle 1, mais pense qu’il faudrait exiger un modèle 2.
Dans une autre mesure, le Conseil se demande s’il est envisageable qu’un pouvoir public créée son propre service d’autoreprésentation ?
Le Conseil est interpellé par l’article 831/209, troisième paragraphe. Cela permet à l’Agence de s’immiscer dans les relations entre le directeur et son employeur, y compris pour demander son licenciement, sans respect du droit de la défense. Une telle ingérence ne paraît pas conforme au droit social. Si l’objectif est de contrôler l’ensemble des activités du service d’autoreprésentation, il convient de préciser clairement ce qui peut être contrôlé et les procédures de contrôle. A cet égard, le Gouvernement pourrait s’inspirer des procédures de contrôle prévues en matière de promotion de la santé.
De plus, le Conseil tient à préciser que la sanction de la suspension de l’agrément est totalement contreproductive. En effet, comment espérer qu’un service d’autoreprésentation puisse remédier à certains manquements dès lors que l’agrément lui est temporairement retiré ? La suspension de l’agrément ne peut conduire qu’à un retrait ultérieur de cet agrément. Au-delà du texte soumis à avis, une réflexion générale doit être menée sur cette sanction de la suspension de l’agrément et sur ses conséquences.
A l’article 831/211, le Conseil rappelle qu’il s’agit d’une compétence fédérale, la Région n’a aucune compétence en matière de concertation sociale. Rien donc ne doit être communiqué à la demande de l’Agence.
Au niveau de l’article 831/212, la question de l’agrément a déjà été posée dans cet avis : l’agrément est-il accordé par le Ministre ou par l’Agence ?
Le Conseil s’interroge ensuite au sujet de l’article 831/214, deuxième paragraphe. Qu’entend-on par entités liées ? Il ne voit pas l’intérêt d’une consultation de la comptabilité de ces entités liées, alors que l’art 831/209 (premier paragraphe – premier point) prévoit une autonomie budgétaire et comptable.
Plusieurs remarques découlent de l’article 831/219, deuxième point. Aucune indexation n’est prévue pour le personnel et les frais de fonctionnement. Il est important de soulever que la subvention ne tient pas compte du directeur, alors même qu’une exigence d’engagement d’un directeur salarié a été précisée. De plus, le Conseil estime que la perspective d’engager un directeur pour ½ ETP de personnel est particulièrement curieuse. Il serait préférable d’augmenter le minimum d’ETP et de prévoir un barème spécifique pour le directeur.
La notion de frais de fonctionnement subventionné est très floue, puisqu’il n’y a aucune liste des frais de fonctionnement admissibles dans le cadre du subventionnement. Des précisions doivent être apportées sur ce point.
Le Conseil est également interpellé par l’article 831/220. En effet, il s’agit d’une dérogation par rapport à l’art 12/1 du CWASS réglementaire qui prévoit la liquidation des subventions de la manière suivante : première avance de 85% de la dernière subvention contrôlée pour le 1er mars ; deuxième avance qui correspond à la différence entre 90% de la dernière subvention contrôlée et l’avance du 1er mars, versée pour le 1er septembre et solde après vérification du dossier justificatif.
Ensuite, le Conseil juge l’article 831/221, paragraphe 4 impraticable. Si par exemple, l’agrément est accepté au 1er juillet 2023, il est impossible pour le service de rendre les documents pour le 31 mars 2023.
A l’Article 831/222, le Conseil s’interroge sur la façon dont est calculée l’avance.
Aux articles 831/227 et 230, le Conseil est étonné de l’absence de relation entre les projets de service et les objectifs d’activité. L’approbation du projet de service n’est-il pas suffisant ?
A l’article 831/228, le Conseil questionne l’utilité d’un coût théorique, alors qu’il est plafonné au montant de la subvention de base.
Le Conseil est une nouvelle fois interpellé, par l’article 831/229. Quels sont les objectifs visés ? S’agit-il bien de ceux visés à l’art 831/227 ? Le Conseil conteste une récupération de subvention pour des objectifs soi-disant non réalisés . La subvention de base couvre des frais et ne peut être récupérée que si ces frais ne sont pas justifiés. De plus, le retrait d’une partie de la subvention lorsque les objectifs ne sont pas atteints prévu au cinquième paragraphe est contreproductive. Comment espérer qu’un service atteigne davantage ses objectifs si on lui diminue ses moyens ? L’évaluation des services doit être abordée exclusivement sous une approche d’aide et d’amélioration, pas sous l’angle de la sanction. A cet égard, le Gouvernement devrait s’inspirer de la procédure d’évaluation qu’il a mise en place en matière de promotion de la santé. Au-delà du projet d’arrêté soumis à avis, une réflexion quant à l’opportunité et l’impact d’un retrait partiel de subvention pour des objectifs non atteints doit être menée.
L’article 831/231 permet au Conseil de souligner l’importance d’avoir un subventionnement suffisant pour permettre d’assurer la gratuité.
Le Conseil trouve que le soutien des actions novatrices prévu dans les articles 831/233 et 234 est une très bonne idée. Il regrette cependant l’absence d’implication des services d’autoreprésentation dans l’élaboration des appels à projets.
Enfin, le Conseil s’interroge sur les modalités concrètes de financement prévues dans l’Article 831/234.