Avant-projet de décret du … (date) relatif aux centres de formation et d’insertion socioprofessionnelle adaptés et modifiant le Code wallon de l’action sociale et de la santé et le décret du 12 novembre 2021 relatif à l’accompagnement orienté coaching et solutions des chercheurs d’emploi
Cet avant-projet de décret voit le jour dans le cadre du plan de relance de la Wallonie. Le projet 264 prévoit ainsi de soutenir l’emploi et la formation des personnes en situation de handicap. L’avant-projet de décret reprend par ailleurs l’intitulé de l’activité de ce projet : « transférer les centres de formation socio-professionnels adaptés de l’AVIQ vers le FOREM et renforcer l’offre de formation pour les personnes en situation de handicap ».
Le Conseil souligne l’importance de la philosophie qui a mené à cette réflexion. En effet, en déplaçant les centres de formation et d’insertion hors du champ de l’action sociale afin de la rediriger vers l’emploi et la formation, le Gouvernement envoie un message positif. Le regard n’est plus axé sur le handicap, mais sur la situation de la personne. La personne en situation de handicap est alors considérée comme un demandeur d’emploi ou un travailleur comme un autre, ce qui va à l’encontre de certaines postures validistes actuelles.
Aspects juridiques
Avant de développer les différents questionnements et objets d’inquiétudes relatifs à la portée de cet avant-projet de décret, plusieurs éléments pratiques et juridiques sont à relever.
Tout d’abord, le Conseil est surpris du contenu de l’article 2, qui reprend la « catégorie de personnes handicapées telle que déterminée par la Communauté française en application de l’article 3, 7°, du décret II du 22 juillet 1993… ». Or, cela fait référence à un texte abrogé depuis 2014, qui est par ailleurs plus limitatif que la définition des personnes en situation de handicap reprise par la Convention ONU.
Ensuite, l’article 5 ; 2° faisant mention des conditions requises à remplir par les bénéficiaires, est rédigé comme tel :
« Être de nationalité belge ou être de statut apatride ou réfugiés reconnus ou être travailleurs ou enfants de travailleurs d’un Etat membre de l’Union européenne ».
Le Conseil demande que la mention de travailleurs soit remplacée par celle de « ressortissant », qui est moins discriminatoire envers les membres de l’Union Européenne présents en Belgique.
Toujours dans l’article 2 concernant les bénéficiaires, l’alinéa 1er indique que peuvent « bénéficier du régime prévu par le présent décret les personnes handicapées qui n’ont pas atteint l’âge de soixante-cinq ans au moment où elles introduisent leur première demande d’intervention ». Le Conseil propose de poser cette limitation dans un cadre plus large et plus pérenne, puisque la réglementation autour de l’âge de la pension est sujette à modifications.
Réflexions au sujet du transfert des CFISPA vers le SPW
Ensuite, le Conseil a plusieurs inquiétudes et réflexions concernant la problématique même du transfert des CFISPA vers le SPW Economie, Emploi et Recherche, regroupées par facilité en quatre points.
Premièrement, le Conseil se questionne au sujet du transfert des savoirs et de l’expertise donnée vis-à-vis des opérateurs. En effet, l’AVIQ possède une expertise dans le monde du handicap, qui lui permet de proposer un meilleur accompagnement et des propositions de réponses adaptées aux besoins individuels. Bien que le Conseil ne remette pas en cause les compétences propres des agents du SPW, il s’interroge sur les garanties en matière de formation. Comment ces compétences seront-elles transférées ? Quelles formations seront prévues ?
Il existe en effet des différences structurelles dans la manière de fonctionner au sein de ces administrations, concernant notamment les logiciels utilisés ou encore la manière d’auditer. De nouveaux modèles techniques et pédagogiques doivent donc être repensés et ce, dans des délais très courts, puisque ce décret doit entrer en vigueur le 1er janvier 2024. Certains aspects propres au handicap risquent de ne pas être pris en compte immédiatement. Par exemple, lors de la crise COVID-19, l’AVIQ a su répondre à certains besoins, grâce notamment à des fiches informatives émises en FALC. Ce regard tourné vers les besoins risque de ne plus être systématique lors du transfert des compétences, surtout si les agents ne reçoivent pas une formation adéquate.
En deuxième lieu, le Conseil s’interroge sur les liens futurs entre administrations. Quels seront les partenariats structurels entre les différentes administrations pour assurer une alimentation d’informations de qualité vers l’AVIQ et le suivi de ces personnes ? En effet, l’AVIQ est une administration d’aide à la personne, et a besoin des opérateurs et de leurs retours afin d’être au courant des réalités du terrain et de faire remonter les difficultés rencontrées. L’échange d’informations et une collaboration reste donc cruciale.
De plus, le Conseil se pose également la question de la mobilité interrégionale. Y a-t-il une garantie que cette mobilité présente aujourd’hui soit maintenue dans le futur, et ce malgré ce transfert ?
Troisièmement, le Conseil émet de vives inquiétudes quant au fonctionnement futur des CFISPA, du fait de deux raisons distinctes.
La première raison est celle de l’expérience vécue et observées dans les régions bruxelloise et flamande. A Bruxelles, les centres de formations ont effectivement été transférés vers Bruxelles-Formation et, bien que l’expérience prouve que Bruxelles-Formation tient désormais davantage compte des personnes en situation de handicap, des effets négatifs ont également pu être relevés. Ainsi, ces centres de formations avant le transfert pouvaient, comme c’est le cas en Région Wallonne, accueillir des travailleurs en situation de handicap afin de proposer des formations continues. Or, Bruxelles-Formation, tournée en premier lieu vers les demandeurs d’emploi, est aujourd’hui réticente à justifier les subsides par l’utilisation de ces heures prestées.
Le Conseil veut appuyer sur le fait que les CFISPA proposent également des formations à l’intention des travailleurs, contrairement au FOREM qui se concentre sur les demandeurs d’emploi. En outre, les subsides sont différents entre un travailleur et un demandeur d’emploi. Il est donc important de veiller à ce que les deux catégories soient prises en compte dans la formation, puisque les personnes en situation de handicap ont plus souvent besoin d’une formation supplémentaire lors de leur parcours professionnel.
En Flandre, la situation est plus problématique depuis le transfert de la politique de l’emploi et de la formation des personnes en situation de handicap vers la VDAB (équivalent du FOREM). En effet, l’aide spécifique envers la personne en situation de handicap n’est pas rencontrée. La personne en situation de handicap est devenue minoritaire, intégrée dans un public-cible très large. La VDAB estime par ailleurs que les centres de formation doivent être plus généraux et toujours viser le public le plus large possible. Ils ne soutiennent donc pas les centres de formation spécialisés dans le cadre d’un besoin spécifique (par exemple dans le cadre d’une déficience visuelle) et renvoient les personnes vers des centres plus généralistes. En fait, les besoins des personnes en situation de handicap ne sont plus rencontrés par les politiques, et pas avec l’expertise suffisante.
Par l’expérience rencontrée au sein des autres régions, le Conseil craint donc que la Wallonie ne connaisse le même sort, et que les spécificités liées au handicap ne soient plus prises en compte, diluées dans un programme trop généraliste.
La deuxième raison des inquiétudes du Conseil est liée à l’expertise même au sein des CFISPA. La Convention FOREM-INAMI prévoit ainsi que toutes les personnes en incapacité soient renvoyées vers le FOREM. Ce dernier devient par conséquent la porte d’entrée unique, et peut renvoyer les demandes vers les CFISPA. Cependant, dans la pratique, les personnes sont très souvent redirigées vers les CFISPA en cas de difficulté. La crainte est donc que ces centres se transforment, et finissent par ne plus accueillir que des personnes en situation d’incapacité de courte durée, reclassables facilement. Le public en attente d’un accompagnement plus long risque d’être mis sur le côté, car les CFISPA doivent gérer une demande de plus en plus grande. Cette crainte est surtout concentrée envers les centres à plus petite capacité, dont l’encadrement du public doit être plus intensif.
De plus, il est important de souligner que la première porte d’entrée vers le FOREM se fait de manière numérique, ce qui soulève aussi la problématique liée à l’accessibilité de l’information et des aides proposées. La fracture numérique atteint grandement les personnes en situation de handicap, et même si cela n’est pas le sujet principal de l’avant-projet de décret, il est important de le rappeler.
En fait, les personnes en situation de handicap, qui ont besoin d’un accompagnement plus long et personnalisé, risquent d’être mises sur le côté, comme c’est le cas en Flandre.
Enfin, en quatrième point, le Conseil veut attirer l’attention sur une dernière remarque concernant le transfert des CFISPA vers le SPW : celle du morcellement de l’administration. Le Conseil craint ainsi pour l’intérêt de la personne en situation de handicap.
Les centres de formation seront donc transférés vers le SPW. Cependant, les aides à l’emploi demeurent une compétence de l’AVIQ. Le public doit donc se tourner vers des administrations différentes suivant son besoin spécifique, et doit répéter son parcours de vie à plusieurs reprises afin d’obtenir l’aide la plus adéquate possible. L’AVIQ a l’avantage d’avoir un regard plus global sur l’individu, grâce à ses compétences et son expertise. Le Conseil se pose donc la question des moyens mis en œuvre par le SPW pour répondre à cette demande et à développer une capacité plurielle de réponse aux besoins spécifiques de l’individu.
Conclusion
En conclusion, bien que la philosophie de base de cet avant-projet de décret soit louable, il est indispensable de prendre en compte l’expérience des régions voisines ainsi que les inquiétudes posées au sein de cet avis. Afin de permettre une meilleure insertion de la personne en situation de handicap dans le milieu de la formation et du travail, il est nécessaire de remettre l’intérêt et les besoins spécifiques du public cible au centre de la réflexion. Cet objectif ne sera atteint qu’à l’aide d’un accompagnement spécifique face aux besoins, une formation et expertise adéquate pour y répondre, et des démarches administratives simplifiées.
SUIVI
Avant-projet de décret du … (date) relatif aux centres de formation et d’insertion socioprofessionnelle adaptés et modifiant le Code wallon de l’action sociale et de la santé et le décret du 12 novembre 2021 relatif à l’accompagnement orienté coaching et solutions des chercheurs d’emploi
Suivi : le texte est devenu le décret du 25 janvier 2024 relatif aux centres de formation et d'insertion socioprofessionnelle adaptés et modifiant le Code wallon de l'Action sociale et de la Santé, le décret du 12 novembre 2021 relatif à l'accompagnement orienté coaching et solutions des chercheurs d'emploi et le Code judiciaire (Moniteur belge 15 mars 2024 – en vigueur le 1er juillet 2024).
Cet avant-projet de décret voit le jour dans le cadre du plan de relance de la Wallonie. Le projet 264 prévoit ainsi de soutenir l’emploi et la formation des personnes en situation de handicap. L’avant-projet de décret reprend par ailleurs l’intitulé de l’activité de ce projet : « transférer les centres de formation socio-professionnels adaptés de l’AVIQ vers le FOREM et renforcer l’offre de formation pour les personnes en situation de handicap ».
Le Conseil souligne l’importance de la philosophie qui a mené à cette réflexion. En effet, en déplaçant les centres de formation et d’insertion hors du champ de l’action sociale afin de la rediriger vers l’emploi et la formation, le Gouvernement envoie un message positif. Le regard n’est plus axé sur le handicap, mais sur la situation de la personne. La personne en situation de handicap est alors considérée comme un demandeur d’emploi ou un travailleur comme un autre, ce qui va à l’encontre de certaines postures validistes actuelles.
Aspects juridiques
Avant de développer les différents questionnements et objets d’inquiétudes relatifs à la portée de cet avant-projet de décret, plusieurs éléments pratiques et juridiques sont à relever.
Tout d’abord, le Conseil est surpris du contenu de l’article 2, qui reprend la « catégorie de personnes handicapées telle que déterminée par la Communauté française en application de l’article 3, 7°, du décret II du 22 juillet 1993… ». Or, cela fait référence à un texte abrogé depuis 2014, qui est par ailleurs plus limitatif que la définition des personnes en situation de handicap reprise par la Convention ONU.
Suivi : le texte de l’article 2 a été revu :
« Pour l'application du présent décret, sont considérées comme personnes en situation de handicap des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l'interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l'égalité avec les autres.
Le Gouvernement peut déterminer l'importance de la limitation des capacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles pour accéder aux prestations en faveur des personnes en situation de handicap prévues par ou en vertu du présent décret. ».
Le commentaire des articles (session 2023-2024, n° 1551) indique :
« Reprise de l’article 261 du Code wallon de l’Action sociale et de la Santé, ci-après le « Code » (article 3, §1er, de l’arrêté royal n° 81 du 10 novembre 1967 créant un fonds de soins médico socio-pédagogiques pour handicapés).
Cette disposition définit la notion de personne en situation de handicap dans le cadre du présent projet de décret. Il s’agit de la définition des « personnes handicapées » figurant dans la Convention relative aux droits des personnes handicapées, adoptée à New York le 13 décembre 2006 (article 1er, alinéa 2), reprise dans le présent projet de décret à la suite de l’observation de la section de législation du Conseil d’État (avis n°74.052/2/V du 23 août 2023, p. 4).
Elle habilite le Gouvernement à déterminer l'importance et la nature de la limitation des capacités pour accéder aux prestations en faveur des personnes en situation de handicap. Le libellé de cette disposition a été complété, en réponse à l’observation de la section de législation du Conseil d’État (avis n° 74.052/2/V du 23 août 2023, p. 7), pour préciser les différentes limitations des capacités concernées. Il est en outre précisé dans le présent commentaire, toujours en réponse à la section de législation du Conseil d’État, que le terme « prestation » est finalement préféré aux termes « prestation ou service » et que les prestations en question consistent en les actions d’orientation, de formation et d’accompagnement professionnels menées par les centres de formation et d’insertion socioprofessionnelle adaptés. ».
Ensuite, l’article 5 ; 2° faisant mention des conditions requises à remplir par les bénéficiaires, est rédigé comme tel :
« Être de nationalité belge ou être de statut apatride ou réfugiés reconnus ou être travailleurs ou enfants de travailleurs d’un Etat membre de l’Union européenne ».
Le Conseil demande que la mention de travailleurs soit remplacée par celle de « ressortissant », qui est moins discriminatoire envers les membres de l’Union Européenne présents en Belgique.
Suivi : le 2° a été modifié comme suit :
« 2° remplir au moins une des conditions suivantes :
- a) être de nationalité belge ;
- b) être de statut apatride ou réfugié reconnu ;
- c) être inscrit comme étranger au registre de la population ;
- d) être en recherche d'emploi ou conjoint, partenaire dans le cadre d'un mariage ou d'un partenariat enregistré, cohabitant légal, enfants à charge de chercheur d'emploi d'un Etat membre de l'Union européenne ou de la personne y assimilée en vertu du droit international. ».
La notion de travailleur n’a donc pas été remplacée par celle de ressortissant, comme demandé dans l’avis, mais par celle de chercheur d’emploi, qui est tout aussi restrictive que celle de travailleur. Le commentaire des articles ne justifie pas ce changement, pas plus que l’avis du Conseil d’Etat.
Toujours dans l’article 2 concernant les bénéficiaires, l’alinéa 1er indique que peuvent « bénéficier du régime prévu par le présent décret les personnes handicapées qui n’ont pas atteint l’âge de soixante-cinq ans au moment où elles introduisent leur première demande d’intervention ». Le Conseil propose de poser cette limitation dans un cadre plus large et plus pérenne, puisque la réglementation autour de l’âge de la pension est sujette à modifications.
Suivi : l’alinéa 1er a été modifié comme suit :
« Peuvent bénéficier du régime prévu par le présent décret les personnes en situation de handicap qui n'ont pas atteint l'âge légal de la pension au moment où elles introduisent leur première demande d'intervention. ».
La revendication a donc été pleinement rencontrée.
Réflexions au sujet du transfert des CFISPA vers le SPW
Ensuite, le Conseil a plusieurs inquiétudes et réflexions concernant la problématique même du transfert des CFISPA vers le SPW Economie, Emploi et Recherche, regroupées par facilité en quatre points.
Premièrement, le Conseil se questionne au sujet du transfert des savoirs et de l’expertise donnée vis-à-vis des opérateurs. En effet, l’AVIQ possède une expertise dans le monde du handicap, qui lui permet de proposer un meilleur accompagnement et des propositions de réponses adaptées aux besoins individuels. Bien que le Conseil ne remette pas en cause les compétences propres des agents du SPW, il s’interroge sur les garanties en matière de formation. Comment ces compétences seront-elles transférées ? Quelles formations seront prévues ?
Il existe en effet des différences structurelles dans la manière de fonctionner au sein de ces administrations, concernant notamment les logiciels utilisés ou encore la manière d’auditer. De nouveaux modèles techniques et pédagogiques doivent donc être repensés et ce, dans des délais très courts, puisque ce décret doit entrer en vigueur le 1er janvier 2024. Certains aspects propres au handicap risquent de ne pas être pris en compte immédiatement. Par exemple, lors de la crise COVID-19, l’AVIQ a su répondre à certains besoins, grâce notamment à des fiches informatives émises en FALC. Ce regard tourné vers les besoins risque de ne plus être systématique lors du transfert des compétences, surtout si les agents ne reçoivent pas une formation adéquate.
Suivi : en commission du Parlement, la Ministre a précisé : « Sur le transfert du personnel, l’arrêté qui porte exécution du décret a été approuvé en deuxième lecture par le Gouvernement en fin d’année. Actuellement, il est soumis à l’Autorité de protection des données et au Conseil d’État. Cet arrêté précisera les modalités de transfert de personnel de l’AVIQ vers le SPW. Il devrait être approuvé définitivement une fois l’adoption de ce décret. La procédure d’appel à candidatures sera ensuite lancée. Celle-ci concerne trois équivalents temps plein à transférer sur une base volontaire de l’AVIQ vers le SPW EER. ».
Il n’y a pas d’autre élément exprimé par la Ministre.
L’AVIQ a lancé l’appel de sélection des trois agents à transférer le 12 juin 2024. Délai au 11 juillet pour les candidatures.
En deuxième lieu, le Conseil s’interroge sur les liens futurs entre administrations. Quels seront les partenariats structurels entre les différentes administrations pour assurer une alimentation d’informations de qualité vers l’AVIQ et le suivi de ces personnes ? En effet, l’AVIQ est une administration d’aide à la personne, et a besoin des opérateurs et de leurs retours afin d’être au courant des réalités du terrain et de faire remonter les difficultés rencontrées. L’échange d’informations et une collaboration reste donc cruciale.
De plus, le Conseil se pose également la question de la mobilité interrégionale. Y a-t-il une garantie que cette mobilité présente aujourd’hui soit maintenue dans le futur, et ce malgré ce transfert ?
Suivi : en séance plénière du Parlement wallon, le député DISABATO a exprimé l’idée suivante :
« …il convient également d’avoir une approche intégrée. C’est le lien qu’il doit y avoir entre l’AVIQ, le FOREm et le SPW, dans le sens où l’on doit également procéder parfois à des aménagements, je l’ai déjà dit en commission, quand on a une série de personnes qui veulent prendre un travail, qu’elles sont porteuses elles-mêmes d’un handicap. Il me semble donc essentiel d’avoir un point d’attention particulier par rapport à cette stratégie plus globale. Il ne servirait à rien de mieux former ces gens si, à un certain moment, aucun aménagement n’est fait pour leur permettre de reprendre le travail. ».
La Ministre n’a pas réagi spécifiquement à cette remarque.
Troisièmement, le Conseil émet de vives inquiétudes quant au fonctionnement futur des CFISPA, du fait de deux raisons distinctes.
La première raison est celle de l’expérience vécue et observées dans les régions bruxelloise et flamande. A Bruxelles, les centres de formations ont effectivement été transférés vers Bruxelles-Formation et, bien que l’expérience prouve que Bruxelles-Formation tient désormais davantage compte des personnes en situation de handicap, des effets négatifs ont également pu être relevés. Ainsi, ces centres de formations avant le transfert pouvaient, comme c’est le cas en Région Wallonne, accueillir des travailleurs en situation de handicap afin de proposer des formations continues. Or, Bruxelles-Formation, tournée en premier lieu vers les demandeurs d’emploi, est aujourd’hui réticente à justifier les subsides par l’utilisation de ces heures prestées.
Le Conseil veut appuyer sur le fait que les CFISPA proposent également des formations à l’intention des travailleurs, contrairement au FOREM qui se concentre sur les demandeurs d’emploi. En outre, les subsides sont différents entre un travailleur et un demandeur d’emploi. Il est donc important de veiller à ce que les deux catégories soient prises en compte dans la formation, puisque les personnes en situation de handicap ont plus souvent besoin d’une formation supplémentaire lors de leur parcours professionnel.
En Flandre, la situation est plus problématique depuis le transfert de la politique de l’emploi et de la formation des personnes en situation de handicap vers la VDAB (équivalent du FOREM). En effet, l’aide spécifique envers la personne en situation de handicap n’est pas rencontrée. La personne en situation de handicap est devenue minoritaire, intégrée dans un public-cible très large. La VDAB estime par ailleurs que les centres de formation doivent être plus généraux et toujours viser le public le plus large possible. Ils ne soutiennent donc pas les centres de formation spécialisés dans le cadre d’un besoin spécifique (par exemple dans le cadre d’une déficience visuelle) et renvoient les personnes vers des centres plus généralistes. En fait, les besoins des personnes en situation de handicap ne sont plus rencontrés par les politiques, et pas avec l’expertise suffisante.
Par l’expérience rencontrée au sein des autres régions, le Conseil craint donc que la Wallonie ne connaisse le même sort, et que les spécificités liées au handicap ne soient plus prises en compte, diluées dans un programme trop généraliste.
La deuxième raison des inquiétudes du Conseil est liée à l’expertise même au sein des CFISPA. La Convention FOREM-INAMI prévoit ainsi que toutes les personnes en incapacité soient renvoyées vers le FOREM. Ce dernier devient par conséquent la porte d’entrée unique, et peut renvoyer les demandes vers les CFISPA. Cependant, dans la pratique, les personnes sont très souvent redirigées vers les CFISPA en cas de difficulté. La crainte est donc que ces centres se transforment, et finissent par ne plus accueillir que des personnes en situation d’incapacité de courte durée, reclassables facilement. Le public en attente d’un accompagnement plus long risque d’être mis sur le côté, car les CFISPA doivent gérer une demande de plus en plus grande. Cette crainte est surtout concentrée envers les centres à plus petite capacité, dont l’encadrement du public doit être plus intensif.
De plus, il est important de souligner que la première porte d’entrée vers le FOREM se fait de manière numérique, ce qui soulève aussi la problématique liée à l’accessibilité de l’information et des aides proposées. La fracture numérique atteint grandement les personnes en situation de handicap, et même si cela n’est pas le sujet principal de l’avant-projet de décret, il est important de le rappeler.
En fait, les personnes en situation de handicap, qui ont besoin d’un accompagnement plus long et personnalisé, risquent d’être mises sur le côté, comme c’est le cas en Flandre.
Suivi : En commission du Parlement, la Ministre a précisé : « Le transfert ne change rien pour les usagers puisque la porte d’entrée reste ces centres de formation. L’agrément, le financement et l’inspection de ces centres sont transférés, mais n’impactent pas les stagiaires. ».
Enfin, en quatrième point, le Conseil veut attirer l’attention sur une dernière remarque concernant le transfert des CFISPA vers le SPW : celle du morcellement de l’administration. Le Conseil craint ainsi pour l’intérêt de la personne en situation de handicap.
Les centres de formation seront donc transférés vers le SPW. Cependant, les aides à l’emploi demeurent une compétence de l’AVIQ. Le public doit donc se tourner vers des administrations différentes suivant son besoin spécifique, et doit répéter son parcours de vie à plusieurs reprises afin d’obtenir l’aide la plus adéquate possible. L’AVIQ a l’avantage d’avoir un regard plus global sur l’individu, grâce à ses compétences et son expertise. Le Conseil se pose donc la question des moyens mis en œuvre par le SPW pour répondre à cette demande et à développer une capacité plurielle de réponse aux besoins spécifiques de l’individu.
Suivi : aucune réponse n’est apportée à cette remarque.
Conclusion
En conclusion, bien que la philosophie de base de cet avant-projet de décret soit louable, il est indispensable de prendre en compte l’expérience des régions voisines ainsi que les inquiétudes posées au sein de cet avis. Afin de permettre une meilleure insertion de la personne en situation de handicap dans le milieu de la formation et du travail, il est nécessaire de remettre l’intérêt et les besoins spécifiques du public cible au centre de la réflexion. Cet objectif ne sera atteint qu’à l’aide d’un accompagnement spécifique face aux besoins, une formation et expertise adéquate pour y répondre, et des démarches administratives simplifiées.