Avis 0019 + Suivi

Publié le 19 septembre 2023 à 13:44

Projet d’arrêté du Gouvernement wallon relatif aux programmes de médecine préventive de lutte contre les cancers

 

Mise en contexte

Le projet d’arrêté du Gouvernement wallon établit des programmes de médecine préventive de dépistage de cancers. Ces programmes s’appliquent à toutes les personnes concernées, sans distinction entre les personnes en situation de handicap et les autres personnes.

 

Un seul article du projet concerne spécifiquement les personnes en situation de handicap : l’article 53, § 1er, alinéa 1er, 9°. Cet article impose aux unités de mammographie (chargées de réaliser le mammotest de dépistage du cancer du sein) d’être accessibles aux personnes à mobilité réduite selon les normes d’accessibilité applicables en matière d’urbanisme (art. 415 à 415/16 du Guide régional d’urbanisme).

 

Pour les centres d’opérationnalisation en médecine préventive qui vont piloter les programmes de médecine préventive, le projet ne prévoit aucune règle d’accessibilité. C’est logique, car les règles d’accessibilité sont déjà prévues dans le Code réglementaire wallon de l’action sociale et de la santé, à l’article 12/54, § 2. L’obligation est la même que pour les unités de mammographie. Attention toutefois, une dérogation temporaire est prévue pour les locaux actuellement occupés par le centre d’opérationnalisation en médecine préventive, pour ne pas interrompre les programmes de lutte contre les cancers. En cas de dérogation, une solution alternative doit être proposée.

 

 

Avis

  1. La question de la définition du handicap

La notion de handicap ne se limite pas à l’accessibilité des locaux aux personnes à mobilité réduite. Le Conseil recommande dès lors au Gouvernement de prendre en compte toutes les situations de handicap dans leurs diversités et spécificités en prévoyant des dispositions sur cette thématique spécifique.

 

A titre d’exemple, il est impératif que les appareillages utilisés pour les mammographies soient aussi accessibles. Ce problème d’accessibilité se pose notamment lorsque la situation de handicap ne permet pas à la personne de se tenir debout.

Le référentiel de l’urbanisme wallon est à cet égard une base insuffisante. Il est important que les personnes en situation de handicap soient informées de l’adresse des centres agréés accessibles et qu’un cadastre de ceux-ci soit établi. Le Conseil propose dès lors que ces informations d’accessibilité des centres se trouvent directement sur l’invitation au test de mammographie.

Il est tout aussi impératif que le personnel médical et paramédical des unités de mammographie soit formé et sensibilisé à l’accueil des personnes en situation de handicap et ce pour toutes les formes de handicap.[1]

 

  1. La question de la dérogation temporaire prévue pour les locaux actuellement occupés par le centre d’opérationnalisation en médecine préventive

Dans la continuité du commentaire précédent et des développements ci-avant, si le Gouvernement prend en compte les personnes en situation de handicap en termes d’accessibilité des locaux, le Conseil se pose la question de l’effectivité des dispositions envisagées. En effet, en ce qui concerne les centres d’opérationnalisation en médecine préventive, ces derniers peuvent bénéficier d’une dérogation temporaire pour les locaux actuellement occupés et ce, pour ne pas interrompre les programmes de lutte contre les cancers. Notons qu’en cas de dérogation, une solution alternative doit être proposée.

Texte :

« le centre d'opérationnalisation en médecine préventive propose aux personnes à mobilité réduite ou souffrant d'un handicap sensoriel des solutions alternatives leur permettant de bénéficier des mêmes services que les personnes valides. ».

Le Conseil regrette l’utilisation dans ce texte d’un vocabulaire obsolète (souffrant d’un handicap sensoriel), et l’absence de prise en compte de toutes les situations de handicap.

 

Pour le Conseil, si l’objectif de continuité des programmes de lutte contre les cancers s’avère nécessaire, il ne justifie pas l’existence d’une dérogation sans limite ferme dans le temps. Il apparaît donc nécessaire de mieux développer la notion de « temporalité », par l’introduction d’un délai contraignant, faute de quoi l’effectivité des dispositions envisagées seraient mises à mal.

 

  1. Notions d’invitation/réinvitation

Le Conseil regrette que les mécanismes d’ « invitations »[2] et de « réinvitations »[3] ne prennent pas en compte le cas de personnes en situation de handicap ayant des difficultés de compréhension. En conséquence, ledit déficit de compréhension des documents complexes envoyés (invitation et réinvitation) n’en est qu’accrue.

Il en va de même pour toutes les formes de communications. Prenons l’exemple de la sensibilisation. L’accessibilité à l’information est en effet primordiale, le Conseil insiste pour qu’une attention particulière y soit accordée. 

Ces communications doivent être inclusives.

 

  1. Unités mobiles de dépistage

Le Conseil regrette l’absence de disposition particulière relative aux unités mobiles de dépistages des cancers et, plus particulièrement, celles dédiées au dépistage du cancer du sein qui potentiellement peut se faire dans ces unités.

 

La question peut sembler anecdotique dans la mesure où aucune unité mobile n’est actuellement agréée par l’AVIQ. La situation pourrait toutefois changer d’autant plus que ce type d’unité existe déjà, prenons pour exemple l’unité de dépistage du cancer du sein qui est subventionnée par la province de Liège et non par l’AVIQ.

 

  1. Conclusion

En conclusion, au regard de l’objectif poursuivi par le texte (lutte contre les cancers), le Conseil salue le travail du Gouvernement. Toutefois, le texte proposé devrait prendre en compte les diverses remarques émises par le Conseil. De manière générale, il apparaît nécessaire que le Gouvernement prenne en compte de manière plus large la situation des personnes en situation de handicap. En effet, il est inquiétant de constater qu’à l’heure actuelle, les lieux de soins ne sont pas suffisamment accessibles aux personnes en situation de handicap. Cette accessibilité est pourtant un droit, et est primordiale dans le cadre de la prévention contre le cancer.

 

[1] Voir le travail réalisé par le Conseil de stratégie et prospective : https://www.aviq.be/fr/actualites/reflexions-de-cadrage-de-constats-de-lacces-la-sante-et-aux-soins-de-sante

[2] le courrier adressé par le centre d’opérationnalisation en médecine préventive aux personnes concernées par le programme de médecine préventive qui n’ont jamais été invitées à réaliser un test de dépistage afin de les inviter à réaliser ce test de dépistage

[3] le courrier adressé par le centre d’opérationnalisation en médecine préventive aux personnes concernées par le programme de médecine préventive qui ont déjà bénéficié d'un test de dépistage dans le cadre du programme de médecine préventive, ou qui ont déjà reçu une invitation sans y avoir donné suite, si elles sont toujours éligibles

 

SUIVI

 

Projet d’arrêté du Gouvernement wallon relatif aux programmes de médecine préventive de lutte contre les cancers

 

Suivi : le texte est devenu l’arrêté du Gouvernement wallon du 25 janvier 2024 relatif aux programmes de médecine préventive de lutte contre les cancers (Moniteur belge 8 mars 2024 – en vigueur le 1er janvier 2024).

 

Mise en contexte

Le projet d’arrêté du Gouvernement wallon établit des programmes de médecine préventive de dépistage de cancers. Ces programmes s’appliquent à toutes les personnes concernées, sans distinction entre les personnes en situation de handicap et les autres personnes.

 

Un seul article du projet concerne spécifiquement les personnes en situation de handicap : l’article 53, § 1er, alinéa 1er, 9°. Cet article impose aux unités de mammographie (chargées de réaliser le mammotest de dépistage du cancer du sein) d’être accessibles aux personnes à mobilité réduite selon les normes d’accessibilité applicables en matière d’urbanisme (art. 415 à 415/16 du Guide régional d’urbanisme).

 

Pour les centres d’opérationnalisation en médecine préventive qui vont piloter les programmes de médecine préventive, le projet ne prévoit aucune règle d’accessibilité. C’est logique, car les règles d’accessibilité sont déjà prévues dans le Code réglementaire wallon de l’action sociale et de la santé, à l’article 12/54, § 2. L’obligation est la même que pour les unités de mammographie. Attention toutefois, une dérogation temporaire est prévue pour les locaux actuellement occupés par le centre d’opérationnalisation en médecine préventive, pour ne pas interrompre les programmes de lutte contre les cancers. En cas de dérogation, une solution alternative doit être proposée.

 

Avis

  1. La question de la définition du handicap

La notion de handicap ne se limite pas à l’accessibilité des locaux aux personnes à mobilité réduite. Le Conseil recommande dès lors au Gouvernement de prendre en compte toutes les situations de handicap dans leurs diversités et spécificités en prévoyant des dispositions sur cette thématique spécifique.

 

A titre d’exemple, il est impératif que les appareillages utilisés pour les mammographies soient aussi accessibles. Ce problème d’accessibilité se pose notamment lorsque la situation de handicap ne permet pas à la personne de se tenir debout.

 

Suivi : dans la note au Gouvernement wallon pour la 2e lecture, il est précisé : « Il n’existe pas d’appareils de mammographie permettant une mammographie en position couchée. La position couchée est d’ailleurs incompatible avec le positionnement du sein. Actuellement, les personnes concernées prennent contact avec le centre pour une solution alternative adaptée à leur situation de handicap. Une mention en ce sens dans l’invitation et la réinvitation sera désormais obligatoire. L’article 24 est modifié en ce sens. ».

L’article 24 comprend désormais un nouveau 5° rédigé comme suit (la numérotation du contenu de l’invitation a été revue en raison de cette introduction) : « une invitation à prendre contact avec le centre d'opérationnalisation en médecine préventive lorsque la personne concernée ne peut, en raison de sa situation de handicap, réaliser une mammographie ; ».

 

Le référentiel de l’urbanisme wallon est à cet égard une base insuffisante. Il est important que les personnes en situation de handicap soient informées de l’adresse des centres agréés accessibles et qu’un cadastre de ceux-ci soit établi. Le Conseil propose dès lors que ces informations d’accessibilité des centres se trouvent directement sur l’invitation au test de mammographie.

 

Suivi : dans la note au Gouvernement wallon pour la 2e lecture, il est précisé : « L’accessibilité étant une condition d’agrément des unités de mammographie, sans dérogations possible, un tel signalement n’a pas de sens. ».

 

Il est tout aussi impératif que le personnel médical et paramédical des unités de mammographie soit formé et sensibilisé à l’accueil des personnes en situation de handicap et ce pour toutes les formes de handicap.[1]

 

Suivi : dans la note au Gouvernement wallon pour la 2e lecture, il est précisé : « Cette demande relève de la formation professionnelle, qui reste une compétence fédérale. L’arrêté ne prévoit d’ailleurs pas de contenu de formations pour le personnel des unités de mammographie. ».

 

  1. La question de la dérogation temporaire prévue pour les locaux actuellement occupés par le centre d’opérationnalisation en médecine préventive

Dans la continuité du commentaire précédent et des développements ci-avant, si le Gouvernement prend en compte les personnes en situation de handicap en termes d’accessibilité des locaux, le Conseil se pose la question de l’effectivité des dispositions envisagées. En effet, en ce qui concerne les centres d’opérationnalisation en médecine préventive, ces derniers peuvent bénéficier d’une dérogation temporaire pour les locaux actuellement occupés et ce, pour ne pas interrompre les programmes de lutte contre les cancers. Notons qu’en cas de dérogation, une solution alternative doit être proposée.

Texte :

« le centre d'opérationnalisation en médecine préventive propose aux personnes à mobilité réduite ou souffrant d'un handicap sensoriel des solutions alternatives leur permettant de bénéficier des mêmes services que les personnes valides. ».

Le Conseil regrette l’utilisation dans ce texte d’un vocabulaire obsolète (souffrant d’un handicap sensoriel), et l’absence de prise en compte de toutes les situations de handicap.

 

Pour le Conseil, si l’objectif de continuité des programmes de lutte contre les cancers s’avère nécessaire, il ne justifie pas l’existence d’une dérogation sans limite ferme dans le temps. Il apparaît donc nécessaire de mieux développer la notion de « temporalité », par l’introduction d’un délai contraignant, faute de quoi l’effectivité des dispositions envisagées seraient mises à mal.

 

Suivi : dans la note au Gouvernement wallon pour la 2e lecture, il est précisé : « Ces règles ne sont pas reprises dans le présent AGW, mais dans le CRWASS. Il n’est pas envisagé de modifier le CRWASS pour les seuls centres d’opérationnalisation en médecine préventive, car cela créerait une rupture d’égalité avec les autres acteurs de promotion de la santé. Une modification du CRWASS pourra être envisagée lors de l’évaluation du premier plan de promotion de la santé. ».

 

  1. Notions d’invitation/réinvitation

Le Conseil regrette que les mécanismes d’ « invitations »[2] et de « réinvitations »[3] ne prennent pas en compte le cas de personnes en situation de handicap ayant des difficultés de compréhension. En conséquence, ledit déficit de compréhension des documents complexes envoyés (invitation et réinvitation) n’en est qu’accrue.

Il en va de même pour toutes les formes de communications. Prenons l’exemple de la sensibilisation. L’accessibilité à l’information est en effet primordiale, le Conseil insiste pour qu’une attention particulière y soit accordée. 

Ces communications doivent être inclusives.

 

Suivi : dans la note au Gouvernement wallon pour la 2e lecture, il est précisé : « Les articles 7, 24, 75 et 101 sont modifiés en ce sens.

En ce qui concerne les informations relatives aux résultats des tests de dépistage, il s’agit de données médicales, communiquées par un médecin. L’article 7 de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient lui fait obligation de s’adresser dans une langue claire. Rien ne doit dès lors être précisé dans l’AGW sur ce point. ».

L’article 7 (relatif aux actions d’information) est complété par un alinéa rédigé comme suit : « Le centre d'opérationnalisation en médecine préventive veille à ce que l'information visée à l'alinéa 1er soit organisée pour être accessible aux personnes en situation de handicap. ».

Les articles 24, 75 et 101 (relatifs aux invitations et réinvitations) sont complétés par un alinéa rédigé comme suit : « Le centre d'opérationnalisation en médecine préventive veille à ce que les invitations et réinvitations soient, selon des mécanismes qu'il détermine, être accessibles aux personnes en situation de handicap. ».

 

  1. Unités mobiles de dépistage

Le Conseil regrette l’absence de disposition particulière relative aux unités mobiles de dépistages des cancers et, plus particulièrement, celles dédiées au dépistage du cancer du sein qui potentiellement peut se faire dans ces unités.

 

La question peut sembler anecdotique dans la mesure où aucune unité mobile n’est actuellement agréée par l’AVIQ. La situation pourrait toutefois changer d’autant plus que ce type d’unité existe déjà, prenons pour exemple l’unité de dépistage du cancer du sein qui est subventionnée par la province de Liège et non par l’AVIQ.

 

Suivi : dans la note au Gouvernement wallon pour la 2e lecture, il est précisé : « Vu les conditions d’agrément des unités de mammographie, une unité mobile de dépistage ne peut pas être agréée. ».

 

  1. Conclusion

En conclusion, au regard de l’objectif poursuivi par le texte (lutte contre les cancers), le Conseil salue le travail du Gouvernement. Toutefois, le texte proposé devrait prendre en compte les diverses remarques émises par le Conseil. De manière générale, il apparaît nécessaire que le Gouvernement prenne en compte de manière plus large la situation des personnes en situation de handicap. En effet, il est inquiétant de constater qu’à l’heure actuelle, les lieux de soins ne sont pas suffisamment accessibles aux personnes en situation de handicap. Cette accessibilité est pourtant un droit, et est primordiale dans le cadre de la prévention contre le cancer.

 

[1] Voir le travail réalisé par le Conseil de stratégie et prospective : https://www.aviq.be/fr/actualites/reflexions-de-cadrage-de-constats-de-lacces-la-sante-et-aux-soins-de-sante

[2] le courrier adressé par le centre d’opérationnalisation en médecine préventive aux personnes concernées par le programme de médecine préventive qui n’ont jamais été invitées à réaliser un test de dépistage afin de les inviter à réaliser ce test de dépistage

[3] le courrier adressé par le centre d’opérationnalisation en médecine préventive aux personnes concernées par le programme de médecine préventive qui ont déjà bénéficié d'un test de dépistage dans le cadre du programme de médecine préventive, ou qui ont déjà reçu une invitation sans y avoir donné suite, si elles sont toujours éligibles