Avant-projet d’arrêté du Gouvernement wallon modifiant le Code réglementaire wallon de l’action sociale et de la santé concernant la santé mentale et ses services actifs en Wallonie
Mise en contexte
Cet avant-projet d’arrêté concerne les services de santé mentale actifs en Wallonie. Six points font ainsi l’objet de modifications de la législation : le cadastre de l’offre de soins, les centres de référence, les initiatives d’habitations protégées, les maisons de soins psychiatriques, les plates-formes de concertation en santé mentale, et les services de santé mentale. Un septième point a quant à lui été créé, celui du plan stratégique pour la santé mentale.
Les points concernant les initiatives d’habitations protégées (IHP), les maisons de soins psychiatriques (MSP) et les plates-formes de concertation en santé mentale sont des adaptations et transpositions de dispositions fédérales existantes. Le cadastre de l’offre de soins est étendu à l’ensemble des services agréés dans le secteur de la santé mentale. La législation des centres de références a été complètement revue dans cet arrêté, et de nombreuses modifications ont été apportées au texte relatif aux services de santé mentale. Enfin, le plan stratégique pour la santé mentale est une nouveauté dans le but d’apporter des améliorations dans le domaine de la santé mentale en région de langue française.
Cet avant-projet d’arrêté est donc long et complet, et le Conseil se concentre sur les points pouvant affecter directement les personnes en situation de handicap au sein de cet avis.
Avis
La question de l’accessibilité
Au niveau de l’accessibilité, le Conseil réitère les remarques émises lors de son avis n°19 au sujet du Projet d’arrêté du Gouvernement wallon concernant les programmes de médecine préventive. En effet, la notion de handicap ne se limite pas à l’accessibilité des locaux aux personnes à mobilité réduite. Le Conseil recommande à nouveau au Gouvernement de prendre en compte toutes les situations de handicap dans leurs diversités et spécificités en prévoyant des dispositions sur cette thématique spécifique.
Le point primordial est l’accès aux services par les personnes en situation de handicap, et ce peu importe le handicap. Le référentiel de l’urbanisme wallon est à cet égard une base insuffisante.
Le Conseil demande également l’élaboration d’un cadastre de l’accessibilité, en plus du cadastre de l’offre disponible. De cette manière, les services et bâtiments accessibles sont référencés afin que la personne en situation de handicap soit dirigée le plus efficacement possible vers la localisation la mieux adaptée à ses besoins.
Par ailleurs, le Conseil regrette l’absence de disposition particulière en termes d’accessibilité au niveau des centres de références et des plates-formes de concertation. En effet, bien que ces services n’accueillent pas de public, les normes d’accessibilité doivent pouvoir être respectées, notamment pour les travailleurs en situation de handicap, ou rencontrant des difficultés de mobilité. La question de l’accessibilité sur les lieux de travail est certes une compétence fédérale, mais cette question mérite d’être soulevée car la problématique est primordiale.
Comité de pilotage du plan stratégique pour la santé mentale
Le Conseil demande d’inclure des personnes en situation de handicap ou représentants du secteur au sein du comité de pilotage prévu dans le cadre du plan stratégique pour la santé mentale. Les missions de ce comité sont en effet le suivi annuel des action entreprises, l’évaluation du plan et la proposition d’une version actualisée de ce plan au Gouvernement un an avant son expiration. La présence de ces personnes permettra la sensibilisation plus accrue aux enjeux d’accessibilité, un meilleur contrôle en la matière et le lien nécessaire entre les questions de santé mentale et les questions de déficience intellectuelle.
Situation de double diagnostic
Ensuite, le Conseil s’interroge sur la place des personnes en situation de double diagnostic dans le cadre des institutions de santé mentale, c’est-à-dire des personnes cumulant une déficience intellectuelle et un problème de santé mentale. Aucune mention n’existe par rapport à ce public, qui se situe entre le handicap et la maladie. Or, selon le Conseil supérieur de la santé, le risque de développer des problèmes de santé mentale est trois à cinq fois plus important chez les personnes déficientes par rapport au reste de la population.[1]
Il n’y a en effet aucune disposition spécifique prévue dans le cadre de cet avant-projet d’arrêté les concernant, ni aucune disposition préexistante. La prise en charge des personnes en situation de double diagnostic dans l’ensemble des services agréés dans le secteur de la santé mentale dépend des capacités d’accueil et du personnel. Elles sont donc rarement accueillies dans les institutions d’hébergement protégées, par exemple, qui sont pourtant des institutions résidentielles et ambulatoires, faisant le lien vers la vie sociale.
Ce point est important pour le Conseil, car, à l’heure de la désinstitutionalisation, de trop nombreuses personnes concernées se retrouvent dans des services hospitaliers traditionnels, en hôpital psychiatrique, faute d’endroits adaptés ou de formations à destination du personnel des services agréés de santé mentale.
De plus, les personnes en situation de double diagnostic sont hébergées ou bénéficient de solutions dans le secteur du handicap. Des collaborations doivent pouvoir être possibles avec les structures qui peuvent accueillir ce public, telles que les SHNA (les Structures d’Hébergement Non Agrées), lieux d’accueil destinés à un public hétérogène.[2] Des formations doivent pouvoir être accessibles au personnel, et une sensibilisation plus large doit être étendue car la situation de ce public est trop souvent méconnue.
Conclusion
Cet avant-projet d’arrêté est indéniablement une avancée positive dans le domaine de la santé mentale. Le Conseil tient d’ailleurs à féliciter plusieurs avancées présentes dans ce texte, notamment l’intégration des bonnes pratiques ainsi que la formation continue des professionnels.
Deux points d’attention détaillés dans cet avis restent primordiaux : l’accessibilité des services et la situation des personnes en situation de double diagnostic. Le premier est un fer de lance de la cause du handicap, car l’accessibilité est plurielle sans être limitée à la mobilité. L’ajout d’un cadastre de l’accessibilité des services serait une avancée très positive à cet égard. Le deuxième est ensuite important car il faut éviter la psychiatrisation du handicap mental, exception faite des cas de nécessité. Une communication et collaboration plus étendue doit ainsi pouvoir être envisagée avec le secteur du handicap, et éviter ainsi un cloisonnement entre les différents secteurs, qui ne parait ni productif, ni nécessaire.
[1] Conseil Supérieur de la Santé, Avis n°9203 : Besoins en matière de double diagnostic (déficience intellectuelle et problèmes de santé mentale : trouble du comportement et/ou troubles psychiatriques) en Belgique, 2015.
[2] Ce public peut être composé de personnes ayant des problèmes de santé mentale, présentant un double diagnostic ou encore en situation de précarité sociale : https://www.aviq.be/fr/hebergement/services-non-agrees-shna
SUIVI
Avant-projet d’arrêté du Gouvernement wallon modifiant le Code réglementaire wallon de l’action sociale et de la santé concernant la santé mentale et ses services actifs en Wallonie
Suivi : le texte a été approuvé par le Gouvernement wallon le 25 avril 2024. Il n’est pas encore publié au Moniteur belge.
Mise en contexte
Cet avant-projet d’arrêté concerne les services de santé mentale actifs en Wallonie. Six points font ainsi l’objet de modifications de la législation : le cadastre de l’offre de soins, les centres de référence, les initiatives d’habitations protégées, les maisons de soins psychiatriques, les plates-formes de concertation en santé mentale, et les services de santé mentale. Un septième point a quant à lui été créé, celui du plan stratégique pour la santé mentale.
Les points concernant les initiatives d’habitations protégées (IHP), les maisons de soins psychiatriques (MSP) et les plates-formes de concertation en santé mentale sont des adaptations et transpositions de dispositions fédérales existantes. Le cadastre de l’offre de soins est étendu à l’ensemble des services agréés dans le secteur de la santé mentale. La législation des centres de références a été complètement revue dans cet arrêté, et de nombreuses modifications ont été apportées au texte relatif aux services de santé mentale. Enfin, le plan stratégique pour la santé mentale est une nouveauté dans le but d’apporter des améliorations dans le domaine de la santé mentale en région de langue française.
Cet avant-projet d’arrêté est donc long et complet, et le Conseil se concentre sur les points pouvant affecter directement les personnes en situation de handicap au sein de cet avis.
Avis
La question de l’accessibilité
Au niveau de l’accessibilité, le Conseil réitère les remarques émises lors de son avis n°19 au sujet du Projet d’arrêté du Gouvernement wallon concernant les programmes de médecine préventive. En effet, la notion de handicap ne se limite pas à l’accessibilité des locaux aux personnes à mobilité réduite. Le Conseil recommande à nouveau au Gouvernement de prendre en compte toutes les situations de handicap dans leurs diversités et spécificités en prévoyant des dispositions sur cette thématique spécifique.
Suivi : la formulation stigmatisante « ou souffrant de troubles sensoriels », signalée dans l’avis n°19, a été supprimée aux articles 55 et 107.
Le point primordial est l’accès aux services par les personnes en situation de handicap, et ce peu importe le handicap. Le référentiel de l’urbanisme wallon est à cet égard une base insuffisante.
Suivi : dans la note au Gouvernement wallon pour la 2e lecture, il est précisé : « La révision des articles du Guide régional d’urbanisme n’entre pas dans le cadre du présent projet d’arrêté (et il ne s’indique pas d’élaborer des normes spécifiques d’accessibilité, compte tenu de la nécessaire égalité avec l’accessibilité dans d’autres institutions). ».
Le Conseil demande également l’élaboration d’un cadastre de l’accessibilité, en plus du cadastre de l’offre disponible. De cette manière, les services et bâtiments accessibles sont référencés afin que la personne en situation de handicap soit dirigée le plus efficacement possible vers la localisation la mieux adaptée à ses besoins.
Suivi : l’article 240 de l’arrêté (qui modifie l’article 1829 du CRWASS) a été adapté. L’article 1829 du Code réglementaire wallon de l’Action sociale et de la Santé est désormais rédigé comme suit :
« Art. 1829. L’Agence édite et met à jour en permanence sur son site internet la liste des maisons de soins psychiatriques, des initiatives d’habitations protégées et des services de santé mentale, avec, pour chacun d’entre eux, l’indication :
1° de leur ressort territorial des institutions ;
2° de leur accessibilité aux personnes en situation de handicap ;
3° de la définition de leur offre de services ;
4° des plages horaires d’ouverture. ».
Par ailleurs, le Conseil regrette l’absence de disposition particulière en termes d’accessibilité au niveau des centres de références et des plates-formes de concertation. En effet, bien que ces services n’accueillent pas de public, les normes d’accessibilité doivent pouvoir être respectées, notamment pour les travailleurs en situation de handicap, ou rencontrant des difficultés de mobilité. La question de l’accessibilité sur les lieux de travail est certes une compétence fédérale, mais cette question mérite d’être soulevée car la problématique est primordiale.
Suivi : dans la note au Gouvernement wallon pour la 2e lecture, il est précisé : « L’accessibilité pour le personnel reste une compétence fédérale. ».
Comité de pilotage du plan stratégique pour la santé mentale
Le Conseil demande d’inclure des personnes en situation de handicap ou représentants du secteur au sein du comité de pilotage prévu dans le cadre du plan stratégique pour la santé mentale. Les missions de ce comité sont en effet le suivi annuel des action entreprises, l’évaluation du plan et la proposition d’une version actualisée de ce plan au Gouvernement un an avant son expiration. La présence de ces personnes permettra la sensibilisation plus accrue aux enjeux d’accessibilité, un meilleur contrôle en la matière et le lien nécessaire entre les questions de santé mentale et les questions de déficience intellectuelle.
Suivi : l’article 8 du projet d’arrêté a été modifié : le comité de pilotage comprend désormais un représentant des personnes en situation de handicap.
Situation de double diagnostic
Ensuite, le Conseil s’interroge sur la place des personnes en situation de double diagnostic dans le cadre des institutions de santé mentale, c’est-à-dire des personnes cumulant une déficience intellectuelle et un problème de santé mentale. Aucune mention n’existe par rapport à ce public, qui se situe entre le handicap et la maladie. Or, selon le Conseil supérieur de la santé, le risque de développer des problèmes de santé mentale est trois à cinq fois plus important chez les personnes déficientes par rapport au reste de la population.[1]
Il n’y a en effet aucune disposition spécifique prévue dans le cadre de cet avant-projet d’arrêté les concernant, ni aucune disposition préexistante. La prise en charge des personnes en situation de double diagnostic dans l’ensemble des services agréés dans le secteur de la santé mentale dépend des capacités d’accueil et du personnel. Elles sont donc rarement accueillies dans les institutions d’hébergement protégées, par exemple, qui sont pourtant des institutions résidentielles et ambulatoires, faisant le lien vers la vie sociale.
Ce point est important pour le Conseil, car, à l’heure de la désinstitutionalisation, de trop nombreuses personnes concernées se retrouvent dans des services hospitaliers traditionnels, en hôpital psychiatrique, faute d’endroits adaptés ou de formations à destination du personnel des services agréés de santé mentale.
De plus, les personnes en situation de double diagnostic sont hébergées ou bénéficient de solutions dans le secteur du handicap. Des collaborations doivent pouvoir être possibles avec les structures qui peuvent accueillir ce public, telles que les SHNA (les Structures d’Hébergement Non Agrées), lieux d’accueil destinés à un public hétérogène.[2] Des formations doivent pouvoir être accessibles au personnel, et une sensibilisation plus large doit être étendue car la situation de ce public est trop souvent méconnue.
Conclusion
Cet avant-projet d’arrêté est indéniablement une avancée positive dans le domaine de la santé mentale. Le Conseil tient d’ailleurs à féliciter plusieurs avancées présentes dans ce texte, notamment l’intégration des bonnes pratiques ainsi que la formation continue des professionnels.
Deux points d’attention détaillés dans cet avis restent primordiaux : l’accessibilité des services et la situation des personnes en situation de double diagnostic. Le premier est un fer de lance de la cause du handicap, car l’accessibilité est plurielle sans être limitée à la mobilité. L’ajout d’un cadastre de l’accessibilité des services serait une avancée très positive à cet égard. Le deuxième est ensuite important car il faut éviter la psychiatrisation du handicap mental, exception faite des cas de nécessité. Une communication et collaboration plus étendue doit ainsi pouvoir être envisagée avec le secteur du handicap, et éviter ainsi un cloisonnement entre les différents secteurs, qui ne parait ni productif, ni nécessaire.
[1] Conseil Supérieur de la Santé, Avis n°9203 : Besoins en matière de double diagnostic (déficience intellectuelle et problèmes de santé mentale : trouble du comportement et/ou troubles psychiatriques) en Belgique, 2015.
[2] Ce public peut être composé de personnes ayant des problèmes de santé mentale, présentant un double diagnostic ou encore en situation de précarité sociale : https://www.aviq.be/fr/hebergement/services-non-agrees-shna