Avis 0022 + Suivi

Publié le 12 décembre 2023 à 13:44

Projet d’arrêté du Gouvernement wallon du (…) modifiant certaines dispositions du Code réglementaire wallon de l’Action sociale et de la Santé, Première partie, Titre III, Chapitres III, IV, V, VI et IX.

 

Mise en contexte

Le projet d’arrêté du Gouvernement wallon soumis à avis contient des dispositions qui modifient certains points particuliers de la procédure de l’aide aux personnes âgées (APA), sans remettre en cause fondamentalement le mécanisme et son mode de calcul.

Ces modifications concernent :

  • La correction d’une coquille dans la définition de la conversion en rente d’un capital d’indemnisation ;
  • Une nouvelle cause de suspension du délai pour le calcul des intérêts moratoires ;
  • La récupération des indus par les organismes assureurs ;
  • La composition du comité de renonciation ;
  • Le contrôle qualité des organismes assureurs.

 

Avis

La suspension du délai pour le calcul des intérêts moratoires

L’organisme assureur qui reçoit une demande de paiement de l’allocation pour l’aide aux personnes âgées dispose légalement d’un délai de six mois pour prendre sa décision. Après l’expiration de ce délai, des intérêts moratoires sont dus de plein droit.

Actuellement, ce délai de six mois est suspendu lorsque le demandeur ou une institution tierce tarde à transmettre à l’organisme assureur les renseignements qu’il demande.

Le projet d’arrêté du Gouvernement wallon ajoute une seconde cause de suspension : le demandeur a omis de se présenter à un examen, ou a demandé à reporter cet examen.

L’évaluation de la perte d’autonomie par l’organisme assureur se réalise d’abord sur base des pièces transmises par le demandeur et son médecin. Un examen ne peut avoir lieu que si les pièces transmises ne permettent pas d’évaluer la perte d’autonomie. C’est uniquement dans ce cadre que la suspension du délai de six mois, peut intervenir, lorsque le demandeur a omis de se présenter à l’examen, ou a demandé un report de cet examen.

Le Conseil constate que la mesure de suspension manque de nuance, et peut à cet égard se révéler discriminatoire, car elle applique une même sanction, la suspension du délai de six mois, à des situations fondamentalement différentes.

Tout d’abord, la modification proposée ne fait aucune distinction entre le demandeur qui omet de se présenter à l’examen et le demandeur qui a demandé un report de cet examen, alors pourtant que ce dernier a accompli des démarches positives pour réaliser l’examen.

Ensuite, en cas d’omission de se présenter à l’examen, le texte ne comprend aucune nuance entre la personne qui, délibérément, ne se présente pas à l’examen, et la personne qui ne s’y présente pas en raison d’un cas de force majeure, comme une hospitalisation en urgence ou un accident. Il ne faut pas perdre de vue que le mécanisme de l’aide aux personnes âgées est destiné à un public fragilisé plus exposé que d’autres aux aléas de santé et aux accidents. Ne pas prendre en considération cette réalité est source de discriminations.

Enfin, lorsqu’une personne demande à reporter l’examen, le texte n’établit aucune distinction entre les demandes de reports purement dilatoires et les demandes de report pour les motifs légitimes. Parmi ces motifs légitimes, on pourrait citer une hospitalisation programmée, ou un rendez-vous chez un médecin spécialiste. En outre, le report d’un examen n’est pas préjudiciable dans la mesure où la date de report est déterminée de commun accord entre l’organisme assureur et le demandeur.

Le Conseil insiste pour que le texte soit davantage nuancé, et que la suspension du délai de six mois vise uniquement les cas suivants :

  • Le demandeur omet volontairement de se présenter à l’examen ;
  • Le demandeur demande abusivement un report de l’examen.

La composition du comité de renonciation

Le comité de renonciation est un organe chargé d’examiner les cas de renonciation à la récupération des allocations indument versées.

Le comité de renonciation est actuellement paritaire. Il est composé d’une part de six représentants des organismes assureurs, d’autre part de six représentants d'organisations s'intéressant aux personnes handicapées ou âgées ou en raison de leurs activités sociales.

Le projet réduit à trois le nombre de représentants d'organisations s'intéressant aux personnes handicapées ou âgées ou en raison de leurs activités sociales. Cette réduction est motivée par le fait que, lors des derniers appels à candidature pour constituer le comité de renonciation, seules trois candidatures ont été reçues.

Le Conseil s’étonne tout d’abord de la faiblesse de la motivation du projet. Ce n’est pas parce qu’un appel à candidature n’aboutit pas à combler tous les postes mis en compétition qu’il faut en conclure que le nombre de postes doit être diminué. Il conviendrait au préalable de s’interroger sur les causes de ce manque de candidatures, et sans doute d’informer davantage sur le rôle et l’importance du comité de renonciation, afin d’inciter davantage les organisations à présenter des candidats.

Le Conseil constate également que, si le projet est adopté, le comité de renonciation cesse d’être un organe paritaire, puisqu’il comprendra désormais six représentants des organismes assureurs, et seulement trois représentants d'organisations s'intéressant aux personnes handicapées ou âgées ou en raison de leurs activités sociales.

Cette disparition de la parité est extrêmement dommageable en raison des modalités de vote au sein du comité de renonciation : les décisions sont adoptées à la majorité absolue des membres présents (voir article 10/61, § 3 du Code réglementaire wallon de l’action sociale et de la santé). Il en résulte que la disparition de la parité assure aux représentants des organismes assureurs une majorité leur permettant d’adopter seuls des décisions. Les représentants d'organisations s'intéressant aux personnes handicapées ou âgées ou en raison de leurs activités sociales n’ont plus la possibilité de peser réellement sur les décisions, et se retrouvent réduits à un rôle de figuration.

Le Conseil plaide donc pour l’abandon de cette mesure. Si l’objectif est de réduire la taille du comité de renonciation, le Conseil exige une réduction identique du nombre de représentants des organismes assureurs et du nombre de représentants d'organisations s'intéressant aux personnes handicapées ou âgées ou en raison de leurs activités sociales.

 

Conclusion

Le Conseil demande que la modification en projet de l’article 10/48 du Code réglementaire wallon de l’action sociale et de la santé soit revue afin d’éliminer les aspects discriminatoires qu’elle contient.

Le Conseil réclame également que le comité de renonciation reste un organe paritaire, où chaque catégorie de représentants peut réellement peser sur les décisions.

Le Conseil tient également à rappeler son avis n° 00014 du 29 août 2023, par lequel il demandait que les plafonds de rémunération soient systématiquement arrondis au-dessus du seuil de pauvreté, et que l’augmentation des plafonds de rémunération s’appliquent immédiatement à tous les bénéficiaires de l’allocation pour l’aide aux personnes âgées. Une copie de cet avis est annexée au présent avis.

  

Le Conseil n’a pas de remarque particulière concernant les autres modifications en projet.

 

SUIVI

 

Projet d’arrêté du Gouvernement wallon du (…) modifiant certaines dispositions du Code réglementaire wallon de l’Action sociale et de la Santé, Première partie, Titre III, Chapitres III, IV, V, VI et IX.

 

Suivi : le texte est devenu l’arrêté du Gouvernement wallon du 28 mars 2024 modifiant certaines dispositions du Code réglementaire wallon de l'Action sociale et de la Santé, Partie première/1, Titre III, Chapitres III, IV, V, VI et IX (Moniteur belge 10 juin 2024 – en vigueur le 1er juillet 2024).

 

Mise en contexte

Le projet d’arrêté du Gouvernement wallon soumis à avis contient des dispositions qui modifient certains points particuliers de la procédure de l’aide aux personnes âgées (APA), sans remettre en cause fondamentalement le mécanisme et son mode de calcul.

Ces modifications concernent :

  • La correction d’une coquille dans la définition de la conversion en rente d’un capital d’indemnisation ;
  • Une nouvelle cause de suspension du délai pour le calcul des intérêts moratoires ;
  • La récupération des indus par les organismes assureurs ;
  • La composition du comité de renonciation ;
  • Le contrôle qualité des organismes assureurs.

 

Avis

La suspension du délai pour le calcul des intérêts moratoires

L’organisme assureur qui reçoit une demande de paiement de l’allocation pour l’aide aux personnes âgées dispose légalement d’un délai de six mois pour prendre sa décision. Après l’expiration de ce délai, des intérêts moratoires sont dus de plein droit.

Actuellement, ce délai de six mois est suspendu lorsque le demandeur ou une institution tierce tarde à transmettre à l’organisme assureur les renseignements qu’il demande.

Le projet d’arrêté du Gouvernement wallon ajoute une seconde cause de suspension : le demandeur a omis de se présenter à un examen, ou a demandé à reporter cet examen.

L’évaluation de la perte d’autonomie par l’organisme assureur se réalise d’abord sur base des pièces transmises par le demandeur et son médecin. Un examen ne peut avoir lieu que si les pièces transmises ne permettent pas d’évaluer la perte d’autonomie. C’est uniquement dans ce cadre que la suspension du délai de six mois, peut intervenir, lorsque le demandeur a omis de se présenter à l’examen, ou a demandé un report de cet examen.

Le Conseil constate que la mesure de suspension manque de nuance, et peut à cet égard se révéler discriminatoire, car elle applique une même sanction, la suspension du délai de six mois, à des situations fondamentalement différentes.

Tout d’abord, la modification proposée ne fait aucune distinction entre le demandeur qui omet de se présenter à l’examen et le demandeur qui a demandé un report de cet examen, alors pourtant que ce dernier a accompli des démarches positives pour réaliser l’examen.

Ensuite, en cas d’omission de se présenter à l’examen, le texte ne comprend aucune nuance entre la personne qui, délibérément, ne se présente pas à l’examen, et la personne qui ne s’y présente pas en raison d’un cas de force majeure, comme une hospitalisation en urgence ou un accident. Il ne faut pas perdre de vue que le mécanisme de l’aide aux personnes âgées est destiné à un public fragilisé plus exposé que d’autres aux aléas de santé et aux accidents. Ne pas prendre en considération cette réalité est source de discriminations.

Enfin, lorsqu’une personne demande à reporter l’examen, le texte n’établit aucune distinction entre les demandes de reports purement dilatoires et les demandes de report pour les motifs légitimes. Parmi ces motifs légitimes, on pourrait citer une hospitalisation programmée, ou un rendez-vous chez un médecin spécialiste. En outre, le report d’un examen n’est pas préjudiciable dans la mesure où la date de report est déterminée de commun accord entre l’organisme assureur et le demandeur.

Le Conseil insiste pour que le texte soit davantage nuancé, et que la suspension du délai de six mois vise uniquement les cas suivants :

  • Le demandeur omet volontairement de se présenter à l’examen ;
  • Le demandeur demande abusivement un report de l’examen.

 

Suivi : la demande n’a pas été suivie. Dans la note au Gouvernement wallon pour la 2e lecture, il est précisé : « Cette disposition ne fait, effectivement, pas de différence entre les cas d’abus de la part du demandeur et les cas où son absence au rendez-vous ou sa demande de le reporter sont légitimes.  C’est dans la continuité de ce qui existe déjà dans la législation qui prévoit, pour le moment, que le délai de traitement du dossier peut être prolongé dans les cas suivants :

-             Demandes d’ordre administratif faites par l’organisme assureur au demandeur et auxquelles ce dernier ne répond pas dans un délai de 30 jours (article 10/41, § 2, alinéa 1er, du CRWASS) ;

-             Demandes d’ordre administratif faites par l’organisme assureur à une autre institution que celles visées par la législation et auxquelles cette dernière ne répond pas dans un délai de 30 jours (article 10/41, § 3, alinéa 2, du CRWASS) ;

-             Demandes liées à l’évaluation de la perte d’autonomie faites par l’organisme assureur au demandeur ou à la personne qu’il a habilitée à cet effet et auxquelles le demandeur ou la personne ne répondent pas dans un délai de 30 jours (article 10/42, § 1er, alinéa 2, du CRWASS).

Dans ces cas non plus, aucune distinction n’est faite selon les raisons pour lesquelles les renseignements ne sont pas fournis dans le délai de 30 jours, même quand ce délai ne dépend en rien du demandeur lui-même.  Cela se justifie notamment par le fait qu’il est très difficile de déterminer quand la raison du retard peut être considérée comme légitime et quand cette raison doit être considérée comme abusive.  Par ailleurs, le texte n’a pas pour but de « punir » ou non le demandeur mais bien de ne pas faire payer par l’organisme assureur un retard dont il n’est de toute façon pas responsable (quelle que soit la raison du retard).  L’enjeu, ici, est le paiement d’intérêts moratoires par l’organisme assureur en charge du dossier. ».

 

La composition du comité de renonciation

Le comité de renonciation est un organe chargé d’examiner les cas de renonciation à la récupération des allocations indument versées.

Le comité de renonciation est actuellement paritaire. Il est composé d’une part de six représentants des organismes assureurs, d’autre part de six représentants d'organisations s'intéressant aux personnes handicapées ou âgées ou en raison de leurs activités sociales.

Le projet réduit à trois le nombre de représentants d'organisations s'intéressant aux personnes handicapées ou âgées ou en raison de leurs activités sociales. Cette réduction est motivée par le fait que, lors des derniers appels à candidature pour constituer le comité de renonciation, seules trois candidatures ont été reçues.

Le Conseil s’étonne tout d’abord de la faiblesse de la motivation du projet. Ce n’est pas parce qu’un appel à candidature n’aboutit pas à combler tous les postes mis en compétition qu’il faut en conclure que le nombre de postes doit être diminué. Il conviendrait au préalable de s’interroger sur les causes de ce manque de candidatures, et sans doute d’informer davantage sur le rôle et l’importance du comité de renonciation, afin d’inciter davantage les organisations à présenter des candidats.

Le Conseil constate également que, si le projet est adopté, le comité de renonciation cesse d’être un organe paritaire, puisqu’il comprendra désormais six représentants des organismes assureurs, et seulement trois représentants d'organisations s'intéressant aux personnes handicapées ou âgées ou en raison de leurs activités sociales.

Cette disparition de la parité est extrêmement dommageable en raison des modalités de vote au sein du comité de renonciation : les décisions sont adoptées à la majorité absolue des membres présents (voir article 10/61, § 3 du Code réglementaire wallon de l’action sociale et de la santé). Il en résulte que la disparition de la parité assure aux représentants des organismes assureurs une majorité leur permettant d’adopter seuls des décisions. Les représentants d'organisations s'intéressant aux personnes handicapées ou âgées ou en raison de leurs activités sociales n’ont plus la possibilité de peser réellement sur les décisions, et se retrouvent réduits à un rôle de figuration.

Le Conseil plaide donc pour l’abandon de cette mesure. Si l’objectif est de réduire la taille du comité de renonciation, le Conseil exige une réduction identique du nombre de représentants des organismes assureurs et du nombre de représentants d'organisations s'intéressant aux personnes handicapées ou âgées ou en raison de leurs activités sociales.

 

Suivi : la demande n’a pas été suivie. Dans la note au Gouvernement wallon pour la 2e lecture, il est précisé : « l’objectif de cette disposition n’est pas de réduire la taille du comité mais de tenir compte de la réalité. 

Ce n’est pas un seul et unique appel à candidatures qui a été lancé à l’époque et qui est d’ailleurs resté sans réponse mais bien trois appels à candidatures (Moniteur belge des 11 mars 2021, 17 septembre 2021 et 25 janvier 2022).  A chaque appel, des modifications ont été apportées en vue d’y élargir les possibilités de réponse : augmentation du délai pour se porter candidat et communication auprès des instances de l’AVIQ pour demander de relayer l’information.  Malgré cela, seules trois associations ont postulé au premier appel à candidatures, aucune aux deux suivants.

Dans les faits, les rapports d’activités transmis par le comité de renonciation au conseil de gestion de l’APA montrent que, même parmi ces trois organisations désignées pour siéger au comité, les absences sont nombreuses : en 2021, sur trois réunions organisées, une des associations était représentée trois fois, une autre deux fois et la troisième, une seule fois.  En 2022, sur dix réunions organisées, une association était représentée les dix fois et les deux autres associations l’ont été seulement quatre fois.  Quant à l’année 2023, pour laquelle le rapport du comité est actuellement en cours de rédaction, elle a vu ce dernier se réunir onze fois et, durant ces onze réunions, une seule association a été représentée dix fois.  Aucune association n’était représentée à la onzième réunion, ce qui a effectivement posé un problème et fait se déplacer les représentants des organismes assureurs inutilement puisque le comité n’était pas valablement réuni.

Le manque de parité semble donc déjà présent, malgré les multiples tentatives de compléter le nombre de représentants des organisations.  La proposition de modification de la législation a pour but de donner une plus grande sécurité juridique aux décisions prises par le comité tel que, dans les faits, il est constitué et fonctionne. ».

 

Conclusion

Le Conseil demande que la modification en projet de l’article 10/48 du Code réglementaire wallon de l’action sociale et de la santé soit revue afin d’éliminer les aspects discriminatoires qu’elle contient.

Le Conseil réclame également que le comité de renonciation reste un organe paritaire, où chaque catégorie de représentants peut réellement peser sur les décisions.

Le Conseil tient également à rappeler son avis n° 00014 du 29 août 2023, par lequel il demandait que les plafonds de rémunération soient systématiquement arrondis au-dessus du seuil de pauvreté, et que l’augmentation des plafonds de rémunération s’appliquent immédiatement à tous les bénéficiaires de l’allocation pour l’aide aux personnes âgées. Une copie de cet avis est annexée au présent avis.

  

Le Conseil n’a pas de remarque particulière concernant les autres modifications en projet.